Changement climatique et disponibilité des aliments marins pour les Inuit

Comment les changements climatiques affecteront-t-ils la quantité d'aliments marins disponibles pour les habitants de Qikiqtarjuaq au Nunavut, Canada? Personne ne le sait avec certitude, mais nous avons mené une étude en collaboration avec des partenaires Inuit pour mieux comprendre à quoi pourraient ressembler les réseaux trophiques marins de l'Arctique dans le futur et ce que cela signifie pour la sécurité alimentaire des Inuit. Voici ce que nous avons trouvé !

La subsistance des Inuit dans l'Arctique sous le changement climatique

L’Arctique est l’une des régions les plus sensibles aux changements climatiques de notre planète. La température y a augmenté jusqu’à trois fois plus vite et plus fort que la moyenne mondiale. Les changements récents des conditions de la glace de mer ont des effets sur les cycles de vie des animaux et des plantes. Par exemple, lorsque l’océan se réchauffe, la banquise fond plus tôt au printemps. Par conséquent, la croissance des algues plantes aquatiques. commence également plus tôt puisqu’elle commence lorsqu’il y a suffisamment de lumière. Ce changement de calendrier affecte les espèces
en biologie, une espèce comprend des animaux, des plantes, des bactéries ou des
champignons qui partagent des caractéristiques communes et peuvent se reproduire ensemble.
On leur donne un nom en latin. Par exemple, les chiens appartiennent à l’espèce Canis familiaris.
.

Outre ces changements dans la quantité d’algues dans l’océan, certaines espèces arctiques se déplacent plus au nord vers des endroits où les conditions leur conviennent mieux, comme une température de l’eau plus basse. D’autres espèces suivent leurs proies vers de nouveaux endroits
ou modifient leur régime alimentaire, ce qui peut influencer leurs niveaux de nutriments et de graisses. Et dans les endroits où les espèces boréales deviennent plus nombreuses, celles-ci peuvent être en concurrence avec les espèces arctiques pour la nourriture ou apporter des parasites ou des maladies.

Les poissons et les mammifères marins locaux comptent parmi les aliments préférés des Inuit. À Qikiqtarjuaq, une communauté inuit du Nunavut située au large de l’est de l’île de Baffin, les aliments marins les plus consommés sont le phoque annelé, le narval et l’omble chevalier. Ceux-ci sont riches en nutriments et en graisses saines, et très importants pour la tradition, la culture et la sécurité alimentaire des communautés Inuit. Cela signifie que les changements dans les 3 réseaux trophiques marins influencent la capacité des Inuit à obtenir leurs aliments traditionnels,
et donc leur sécurité alimentaire.

Capturer les effets du changement climatique sur tant d’espèces, des algues aux ours polaires, et déterminer comment cela affecte les Inuit, n’est pas une tâche simple. Comment aborder un tel défi?

Réseau tropique marin dans l'ouest de la baie de Baffin

Réseau tropique marin dans l'ouest de la baie de Baffin ours polaire phoque annelé
Western Baffin Bay​ Map

Ouest de la baie de Baffin

L’ouest de la baie de Baffin suit un cycle annuel marqué : en hiver, elle est recouverte de glace de mer tandis qu’en été, elle est complètement libre de glace. L’île de Baffin, avec ses innombrables fjords le long du littoral, est l’endroit idéal pour de nombreuses espèces marines pour s’abriter, allaiter leurs petits et se nourrir, surtout lorsqu’il n’y a pas de glace.

Modéliser le réseau alimentaire

Nous avons créé un modèle
une équation mathématique, un algorithme, une image ou un graphique qui représente un réseau et comment ses composants interagissent les uns avec les autres.
de réseau alimentaire représentant les interactions entre les espèces marines dans l’ouest de la baie de Baffin, au Nunavut. Un modèle de cette complexité est plus informatif lorsqu’il s’agit d’examiner les effets généraux du climat et d’autres changements environnementaux sur les espèces marines par rapport aux modèles avec seulement une ou deux espèces. En effet, un modèle de réseau trophique inclut la dépendance alimentaire des espèces les unes envers les autres. Par exemple, si une espèce proie devient plus ou moins abondante, ses différents prédateurs auront plus ou moins de mal à trouver de la nourriture et pourront ainsi devenir eux-mêmes plus ou moins abondants.

Nous avons développé ce modèle avec la communauté de Qikiqtarjuaq pour :

1. Mieux comprendre le réseau alimentaire local et la façon dont les changements climatiques affectent la quantité d’aliments marins disponibles pour la communauté.

2.Créer des scénarios de changements futurs et analyser ce que ces scénarios signifient pour les animaux les plus importants pour la communauté. Cela nous a permis de réfléchir ensemble à la manière dont les Inuit pourraient s’adapter dans les années à venir.

Ces modèles ont été créés avec l’approche et le logiciel de modélisation de l’écosystème Ecopath with Ecosim (EwE). Ecopath est un outil de représentation du réseau trophique, tandis qu’Ecosim est un outil qui représente les changements temporels du réseau trophique qui nous permet d’évaluer des scénarios
une nouvelle organisation possible d’un réseau (représenté dans un modèle).
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Pour développer ce modèle, les données utilisées comprenaient des estimations de l’abondance
pour une espèce c’est le nombre d’individus de cette espèce.
des espèces, de la composition de la diète, des taux de croissance et des taux de mortalité de toutes les espèces du réseau trophique. Nous avons obtenu ces données principalement à partir de rapports des sondages, de littérature scientifique et de connaissances d’experts. À partir de l’abondance, nous avons calculé la biomasse
c’est le nombre d’individus d’une espèce multiplié par le poids moyen des individus de cette espèce. Par exemple, nous utilisons la biomasse d’une population de poissons pour déterminer la quantité de ce poisson disponible pour la pêche.
, que nous avons utilisée comme quantité de nourriture passant des proies aux prédateurs dans le réseau trophique.

Narval

Narval
Monodon monoceros

 

Les narvals de la population un groupe d’animaux de la même espèce qui vivent dans une certaine zone géographique en même temps. de l’est de la baie de Baffin passent l’été, de juin à septembre, dans les fjords de l’île de Baffin. Ensuite, ils parcourent environ 1700 km jusqu’au sud de la baie de Baffin où ils restent jusqu’à la fin mars/début avril. À ce moment, ils retournent de nouveau vers le nord dans les fjords de Baffin. Les proies les plus communes du narval sont la morue arctique et le flétan du Groenland.

Omble chevalier

Omble chevalier
Slavelinus alpinus

 

L’omble chevalier est un poisson qui passe une partie de sa vie en eau douce et une autre dans l’océan. Dans la région de Baffin, ce poisson passe l’hiver dans les rivières et les lacs de l’île de Baffin, où il se reproduit. À l’âge adulte, ils migrent à travers les fjords et dans les zones côtières de la baie de Baffin lorsque les rivières sont libres de glace. Ils passent normalement les étés à se nourrir de zooplancton dans les eaux marines le long de la côte et retournent en eau douce à l’automne.

Phoque annelé

Phoque annelé
Pusa hispida

 

Ce phoque est complètement adapté à la glace de mer et ne voyage pas en hiver, restant dans la baie de Baffin toute l’année. En été et en automne, certains phoques restent près de leurs sites de reproduction tandis que d’autres se dispersent le long du littoral. Certains passent du temps en eau libre loin de la côte, et d’autres se déplacent vers le nord jusqu’à la lisière des glaces. Ils mangent principalement de la morue arctique et du zooplancton.

Ours polaire

Ours polaire
Ursus maritimus

 

Les ours polaires peuvent se déplacer beaucoup à travers la baie de Baffin et jusqu’à la polynie des eaux du nord. En hiver, les ours se trouvent sur la banquise de la baie à la recherche de leur proie préférée – le phoque annelé. En été, les ours restent à l’est de l’île de Baffin ou dans la région de la baie de Melville. À part le phoque annelé, les ours mangent également d’autres espèces de phoques qui passent l’été dans la région.

Les scénarios modélisés

Notez que les scénarios de modèles ne sont pas une prédiction du futur. Au lieu de cela, les scénarios aident à comprendre comment nos actions peuvent conduire à différents futurs possibles. Grâce à ces informations, nous pouvons mieux nous préparer à nous adapter aux impacts des changements climatiques.

Glossaire

Espèce – en biologie, une espèce comprend des animaux, des plantes, des bactéries ou des champignons qui partagent des caractéristiques communes et peuvent se reproduire ensemble. On leur donne un nom en latin. Par exemple, les chiens appartiennent à l’espèce Canis familiaris.

Population – un groupe d’animaux de la même espèce qui vivent dans une certaine zone géographique en même temps.

Réseau – un groupe d’éléments interconnectés. Par exemple, Facebook est un réseau qui relie les gens du monde entier.

Réseau alimentaire – Un réseau alimentaire, c’est « qui mange qui ». C’est un réseau d’espèces qui interagissent les unes avec les autres par des relations alimentaires.

Modèle – une équation mathématique, un algorithme, une image ou un graphique qui représente un réseau et comment ses composants interagissent les uns avec les autres.

Scénario modèle – une nouvelle organisation possible d’un réseau (représenté dans un modèle).

Sécurité alimentaire – une communauté en sécurité alimentaire est une communauté qui a accès à une nourriture suffisante, nutritive et sans risque (non contaminée).

Abondance – pour une espèce c’est le nombre d’individus de cette espèce.

Biomasse – c’est le nombre d’individus d’une espèce multiplié par le poids moyen des individus de cette espèce. Par exemple, nous utilisons la biomasse d’une population de poissons pour déterminer la quantité de ce poisson disponible pour la pêche.

Algues – plantes aquatiques.

 

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